Quelle aura été laborieuse cette première période de ce quatrième test France v Japon de l'histoire du rugby ! Si côté Japonais on s'est vite lancé dans le bain, côté français, la ferveur était loin d'être au rendez-vous. Pour plusieurs raisons.

En face, une équipe que l'on ne connait pas, seulement rencontrée trois fois par le passé dont la dernière fois... il y a six ans ! Et comme la RWC 2015 est passée par là et les tests qui ont suivi, autant dire que pour les Bleus c'était rendez-vous en terre inconnu. Autour d'ailleursd'eux, c'était pareil : la nouvelle U Arena à Nanterre, siège du Racing 92 qui n'a pas encore eu l'occasion de la fouler, terrain synthétique indoor peu rempli pour cette rencontre. Le décor est posé.

Un rugby de petits tas

Très vite, c'est le Japon qui impose donc son rythme grâce notamment au demi de mêlée Nagare, formidable animateur des Brave Blossoms par qui tous les ballons passent. Et le jeu remonte d'un côté, puis de l'autre, un ballon à suivre et c'est reparti. L'arrière Matsushima est lancé en priorité pour percer les défenses et passer les bras. Avec plus ou moins de réussite. Mais il tente. Le capitaine Leitch joue la provoc, chambre et danse sur la corde raide. Mais l'animation est parfaite et le rythme élevé.

Les quelques fois que les Français mettent la main sur le ballon, le rythme ralenti sérieux. Serin freine systématiquement toute relance. Les Bleus privilégient les rucks, un rugby de petit tas. De ce côté-ci du terrain, il n'y a pas de métronome. Il faudra attendre la deuxième période et l'arrivée d'Antoine Dupont pour changer de style. En attendant, le jeu y perd en fluidité et mécanique. Obligé de taper au pied quasi systématiquement pour se dégager.

Dans les tribunes, un chant s'élève : « On s'fait chier, on s'fait chier... » et les quelques applaudissements sont pour ces Brave Blossoms qui font jouer la balle, éjectant le ballon entre les jambes au sortir d'un ruck, multipliant les offloads, maîtrisant les passes. Le seul essai nippon de la première période est inscrit par le talonneur Horie à la 23e. Le seul essai français par le pilier Slimani juste avant la pause, ce qui permet aux Bleus de respirer avant de rentrer au vestiaire (13-8).

Un nul historique

Mais le retour est sévère. Les Japonais appliquent leur recette – jouer très vite, au large, pour étirer la défense et créer des espaces pour passer - et c'est l'ailier Lafaele qui permet à son équipe de repasser devant une minute après la reprise (13-15). L'ambiance n'est pas au rendez-vous, les avions en papier volent et cette question lancinante qui taraude les supporters : comment enchaîner une hola dans une salle en U ?

Une chance pour les Français ce soir-là, Trinh-Duc est dans un bon jour et ne faiblit pas au pied. A la 48e, il réussit une belle combinaison : relance de Serin après une touche, envoi à Trinh-Duc qui tape au-dessus de la défense nippone pour trouver Lacroix qui file à l'essai. (20-15). Mais ces Bleeus sont insconstants, capables du meilleur (peu vu ce soir-là) comme du pire. Guirado et Vahaamahina se font sanctionner pour des plaquages dangereux. Serin aussi pour un dégagement au pied non autorisé. Et Lacroix, à la 61e, pour un plaquage dans les airs qui donne trois points aux adversaires. Ceux-ci recolleront au score pour décrocher le nul à la 72e minute de jeu (23-23). Un maul qui ne trouve pas de résistance et Valu qui plonge dans l'en-but. Seule la botte malheureuse du buteur les empêchera de décrocher leur première victoire historique sur l'équipe de France.

"Il y a une perte de confiance momentanée."

Guy Novès

En lot de consolation, ils repartent avec un nul, lui aussi historique. Pour le XV de France, c'est la cata. Alors que le président de la FFR tablait sur quatre victoires en quatre matches lors de cette tournée de novembre, les joueurs repartent avec trois défaites et un nul.

« Ce qui m'alerte, c'est le contenu pauvre du match... »

Difficile après ça de s'expliquer en conférence de presse. « Ce soir, le public a vu un spectacle de haut niveau de la part du Japon et un match pauvre de notre part. Je trouve normal les regrets qu'ils ont pu avoir en regardant ce match », a déclaré Guy Novès, le sélectionneur du XV de France. « On est entré sur le terrain pour gagner le match. A l'arrivée c'est un match nul. Au-delà du nul et de la défaite, c'est le contenu qui m'alerte, la pauvreté du contenu et non le résultat en soit. Je parle de perte de confiance car il y a quelques mois on montrait un autre rugby avec un autre enthousiasme. On avait une capacité à répondre à l'adversaire qu'on n'a pas retrouvé ce soir...

"A l'arrivée c'est un match nul. Au-delà du nul et de la défaite, c'est le contenu qui m'alerte : la pauvreté du contenu."

Guy Novès

« On savait que cette équipe du japon avait énormément progressé et qu'elle jouait très, très vite. Mon chantier n'est pas de regarder l'équipe du Japon. Sa vitesse dans le jeu, sa prise d'initaitive, le jeu qu'elle a produit dans ses 22... Nous, on n'ose plus le produire. Il y a une perte de confiance momentanée. Il faut retrouver un peu de sérénité.

« Bien sûr ce n'est pas un bon bilan au niveau sportif. Mais en terme d'évaluation des joueurs, il y a des choses à retirer. Des joueurs ont été d'un niveau intéressant et d'autres un peu moins. On a passé un mois de novembre difficile, sous la pression. Je pense que ça a contribué à nous faire gamberger ce qui fait que derrière on arrive à faire des matches très pauvres. »